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CHAPITRE IV

Le procès


Oh ! vendetta di Dio, quanto tu dei
Esser temuta da ciascun che legge
Ciò, che fu manifesto agli occhi miei !

Dante.


Ô vengeance de Dieu, combien tu dois être redoutable à quiconque va lire ceci, qui se manifesta sous mes yeux.


Malgré l’usage des séances secrètes, alors mis en vigueur par Richelieu, les juges du curé de Loudun avaient voulu que la salle fût ouverte au peuple, et ne tardèrent pas à s’en repentir. Mais d’abord ils crurent en avoir assez imposé à la multitude par leurs jongleries, qui durèrent près de six mois ; ils étaient tous intéressés à la perte d’Urbain Grandier, mais ils voulaient que l’indignation du pays sanctionnât en quelque sorte l’arrêt de mort qu’ils préparaient et qu’ils avaient ordre de porter, comme l’avait dit le bon abbé à son élève.

Laubardemont était une espèce d’oiseau de proie que le Cardinal envoyait toujours quand sa vengeance voulait un agent sûr et prompt, et, en cette occasion, il justifia le choix qu’on avait fait de sa personne. Il ne fit qu’une faute, celle de permettre la séance publique, contre l’usage ; il avait l’intention d’intimider et d’effrayer ; il effraya, mais fit horreur.

La foule que nous avons laissée à la porte y était restée deux heures, pendant qu’un bruit sourd de marteaux annonçait que l’on achevait dans l’intérieur de la grande salle des préparatifs inconnus et faits à la hâte. Des ar-