Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/99

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stylet d’un Italien, parce qu’il allait la nuit sous la fenêtre d’une grande princesse ; pourquoi n’avez-vous pas arrêté l’assassin ? » Cela serait fort désagréable pour moi, monsieur, et jamais on n’a rien eu de ce genre à me reprocher. Une fois M. le maréchal me prêta à son neveu, M. le comte, pour faire une campagne dans les Pays-Bas, parce que je sais l’espagnol ; eh bien, je m’en suis tiré avec honneur, comme je le fais toujours. Quand M. le comte reçut son boulet dans le bas-ventre, je ramenai moi seul ses chevaux, ses mulets, sa tente et tout son équipage sans qu’il manquât un mouchoir, monsieur ; et je puis vous assurer que les chevaux étaient aussi bien pansés et harnachés, en rentrant à Chaumont, que si M. le comte eût été prêt à partir pour la chasse. Aussi n’ai-je reçu que des compliments et des choses agréables de toute la famille, comme j’aime à m’en entendre dire.

— C’est très-bien, mon ami, dit Henry d’Effiat, je te donnerai peut-être un jour des chevaux à ramener ; mais, en attendant, prends donc cette grande bourse d’or que j’ai pensé perdre deux ou trois fois, et tu payeras pour moi partout ; cela m’ennuie tant !…

— M. le maréchal ne faisait pas cela, monsieur. Comme il avait été surintendant des finances, il comptait son argent de sa main ; et je crois que vos terres ne seraient pas en si bon état et que vous n’auriez pas tant d’or à compter vous-même s’il eût fait autrement ; ayez donc la bonté de garder votre bourse, dont vous ne savez sûrement pas le contenu exactement.

— Ma foi, non !

Grandchamp fit entendre un profond soupir à cette exclamation dédaigneuse de son maître.

— Ah ! monsieur le marquis ! monsieur le marquis ! quand je pense que le grand roi Henry, devant mes yeux,