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jet de leur voyage, étudiant les langues qu’il leur était indispensable de bien connaître, allant aux cours assidûment, quoique très souvent ils n’entendissent rien aux choses qu’on professait. Ils faisaient l’amusement des auditeurs français, avec leur figure grave, impassible, leur recueillement oriental. Trois d’entre eux, assez versés dans la connaissance des langues vivantes, s’étaient mis courageusement à apprendre le latin et le grec. Ils voulaient savoir.

Fidé, lui, quoiqu’il ne se l’avouât pas complètement, était venu surtout pour goûter les joies enivrantes de la civilisation européenne. Il n’avait pas l’intention d’abandonner ses études, mais il désirait connaître les endroits où l’on s’amuse, il aspirait à vivre, enfin, et la constante application de ses camarades l’ennuyait. Cinq mois après son arrivée, il n’avait pas encore osé se présenter à ce bal Bullier, dont le nom, sur les pancartes vertes des cafés, flamboyait, tentateur comme l’imago d’un paradis-terrestre. Il ne savait comment s’y prendre pour entrer et craignait, avec son ignorance des habitudes, de paraitre ridicule.

Pendant ces longs mois, combien de fois n’avait-il pas songé, autour de l’ennuyeuse table d’hôte, à planter là ses compagnons moroses et à se lancer à tout hasard dans une vie plus agréable, tandis que les autres, s’entretenaient tranquillement des cours de droit et des bizarreries de