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Page:Allaire - La Bruyère dans la maison de Condé, t. 1, 1886.djvu/31

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père, ou sa mère ou ses frères, ou sa femme ou ses enfants, sans recevoir en ce monde-ci beaucoup d’avantage et dans le siècle à venir la vie éternelle. Tandis que, dans son affliction et volontaire exil, le vieux ligueur réfléchissait sur les effets de la sapience et miséricorde infinie, il employa une partie des loisirs qu’il avait plu à la bonté de Dieu de lui donner, à traiter un sujet qu’il regardait comme une inspiration du ciel : il prit plaisir à composer un livre intitulé le Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie[1]. Nous ignorons où et quand mourut Mathias de la Bruyère : seulement nous savons que son arrière-petit-fils, qui respecta toujours les sentiments de la piété, n’approuva jamais l’esprit de parti[2], parce qu’il rabaisse les plus grands caractères, empêche de voir la vérité et retarde le progrès des arts et des sciences.

Pendant ce temps-là Guillaume de la Bruyère ne se vantait pas d’être fils de Mathias de la Bruyère : il l’était pourtant. Secrétaire ordinaire de l’évêque de Paris, il rentra en partie dans les biens de sa famille. Il avait par contrat (1601), devant le notaire Barbereau, épousé Diane de la Mare, qui lui avait apporté quelque fortune en mariage. Elle le rendit père de nombreux enfants. — « Le mariage, qui devrait être à l’homme une source de tous les biens[3], lui est souvent par la disposition de la fortune un lourd fardeau sous lequel il succombe. C’est alors qu’une femme et des enfants sont une violente tentation à la fraude, au mensonge et aux gains illicites. On se trouve entre la friponnerie et l’indigence, étrange situation ! » — Guillaume de la Bruyère se trouva engagé dans plusieurs instances judiciaires où il ne fut pas heureux. Il n’en eut grand souci. Cependant il conserva au moins la terre de Romeau dans le Vendômois : nous la retrouvons plus tard dans l’héritage de l’un de ses enfants. Mais il géra mal ses biens. Ses amis menaient auprès de lui une vie agréable ; sa femme et ses enfants se plaignaient. On disait dans sa famille : « Il fait bon vivre[4] avec celui qui ne se sert pas de son bien à marier ses filles, à payer ses dettes, à faire des contrats, pourvu qu’on ne soit ni ses enfants ni sa femme. » Il fallut mettre un terme à cette belle existence qui durait depuis trop longtemps. Mme de la Bruyère présenta requête

  1. Le Rosaire, par Mathias de la Bruyère ; Bruxelles, chez Volpics, 1603. Cf. la préface.
  2. Chap. xi, n° 63 ; c. i, n° 49 et n° 58.
  3. Chap. vi, n° 61.
  4. Chap. vi, n° 77.