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Page:Allaire - La Bruyère dans la maison de Condé, t. 1, 1886.djvu/37

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dence, réduite en disputes d’école, se bornait aux opinions de docteurs qui n’y cherchaient pas d’autre utilité que celle de gagner de l’argent ou de la réputation. On appelait glose d’Orléans celle qui fait périr le texte sous le poids des commentaires. De là le proverbe : Glose d’Orléans, plus obscure que le texte. Cujas et les grands jurisconsultes du seizième siècle avaient détruit cette routine scolastique ; mais les écoles de droit avaient elles-mêmes été détruites par les guerres civiles et religieuses ; et lorsqu’elles s’étaient relevées, les abus de la routine s’étaient relevés avec elles. Racine s’en moque[1] dans la comédie des Plaideurs. Alors il y avait à Paris des hommes de sens et d’expérience qui s’étaient dégagés des entraves de la scolastique et avaient repris la méthode de Cujas : s’attacher au droit romain comme étant le fond de la science du palais, lire toujours les textes et les ouvrages originaux sans se perdre dans le fatras des commentaires, rapprocher les textes les uns des autres pour en dégager les principes et leurs conséquences[2], telle était la méthode de MM. Halley, Vautier et de Gaumont pour mettre les lois civiles dans leur ordre naturel et rétablir la raison dans la jurisprudence. C’est ce que fera Domat quelques années plus tard. Cette méthode était publiquement enseignée à Orléans[3]. Un condisciple de la Bruyère, Vincent Flaccius de Hambourg, l’atteste de la manière la plus formelle. Mais on comprend que la Bruyère, qui avait étudié le droit à Paris, arrivât avec quelques préventions contre messieurs de l’université d’Orléans, et redoutât la sévérité de ses juges en passant ses examens de licence.

Son succès l’affermit dans son estime pour la méthode qu’il avait adoptée. Il reconnut qu’elle était excellente pour tout genre d’érudition : et fort de son expérience, il répétera plus tard et même publiera les conseils qu’il avait reçus et dont il avait profité. « L’étude des textes[4] ne peut jamais être assez recommandée, c’est le chemin le plus court, le plus sûr et le plus agréable pour tout genre d’érudition. Ayez les choses de première main ; puisez à la source ; maniez, remaniez le texte ; apprenez-le de mémoire ; citez-le dans les occasions ; songez surtout à en pénétrer le sens dans toute son étendue et dans ses cir-

  1. Acte III, scène III.
  2. Fleury, Lettre sur M. de Gaumont.
  3. Theatrum anonymorum et pseudonymorum, V. Flaccius ; Hambourg, 1707, iii. in-f°. Préface par Fabrïcius.
  4. Chap. xiv, n° 72.