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Page:Allaire - La Bruyère dans la maison de Condé, t. 1, 1886.djvu/74

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Romeau. Le plus jeune frère, Robert-Pierre de la Bruyère, n’avait encore que dix-neuf ans : il vécut avec sa sœur, Élisabeth de la Bruyère, qui en avait dix-sept. Pendant quelque temps ils se contentèrent d’être servis par les gens de leur mère, puis ils prirent un laquais à frais communs : ils suivaient la nouvelle mode qui n’admettait plus le service des femmes. Ainsi toute la famille de la Bruyère était partagée en deux groupes composés, l’un des deux aînés, l’autre des deux plus jeunes : ils vivaient sous le même toit et leur mère conduisait ce singulier ménage. Tous étaient à leur aise et parfaitement libres de suivre la direction qui leur conviendrait.

Pendant ce temps-là, il se faisait de grands changements dans l’existence des cartésiens que connaissait notre auteur[1]. Bossuet avait été nommé précepteur du Dauphin, à la place de feu M. de Périgny : il enseignait an fils de Louis XIV ce qu’il devrait faire étant roi. Il donnait seul ses leçons, mais il était aidé par une pléiade d’hommes de science et de talent, surtout pour enseigner l’histoire, qui est la science particulière des princes. Sans parler du sous-précepteur, Daniel Huet, qui présidait à la publication des ouvrages anciens à l’usage du Dauphin, on cite l’abbé de Brianville, qui mit l’histoire sacrée en tableaux et fit un abrégé chronologique de l’histoire de France ; Jean Doujat, qui fit un abrégé de l’histoire grecque et romaine ; le R. P. Commire, qui composa la vie et le règne d’Auguste ; l’abbé Fléchier, qui écrivit l’histoire de Théodose ; et Gérard de Cordemoi, qui fut chargé de raconter la vie de Charlemagne. Bossuet admirait dans Charlemagne le grand conquérant, égal en valeur à ceux que l’antiquité a le plus vantés, et qui les surpassait en piété, en sagesse et en justice ; le grand législateur qui avait sur César et Alexandre un immense avantage, la connaissance du vrai Dieu. Cordemoi écrivit en outre pour Bossuet divers petits traités sur l’histoire et la politique, qui ont été publiés, et où il explique la nécessité de l’histoire, la manière de l’écrire et de l’enseigner aux princes, et la réformation de l’État par ce moyen. On trouve dans ces traités le même esprit facile et vif que dans les compositions philosophiques du même auteur ; mais on y trouve aussi les mêmes exagérations où peut entraîner la logique.

Ce cartésien, alors tant loué et si profondément oublié aujourd’hui,

  1. Bossuet, précepteur du Dauphin, par Floquet, p. 102-104.