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Page:Allaire - La Bruyère dans la maison de Condé, t. 1, 1886.djvu/76

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lecteur du Dauphin. Il reçut le brevet en 1673 avec des émoluments de 4,500 livres, et ne pensa plus à ses folles utopies.

Parmi les princes du sang royal de France qui devaient être les compagnons du Dauphin, étaient Louis-Armand de Bourbon, prince de Conti, et son frère François-Louis de Bourbon, prince de la Roche-sur-Yon. Ils avaient perdu leur père en 1668, et on les appelait communément les princes de Conti. Leur mère Anne Martinozzi, nièce de Mazarin, les élevait dans les principes les plus austères de la dévotion janséniste, par les soins de Jean de Trouillas et de Claude Lancelot. Après avoir restitué tous les biens dont l’acquisition lui parut suspecte, et distribué son épargne aux pauvres, elle passa soudainement à l’éternité, « Il n’y a que le diable qui gagne à cette mort[1], s’écria Mme de Sévigné ; car il va reprendre de l’autorité dans l’esprit de ces deux petits princes. » Ce qui rassurait la charitable dame, c’est que la princesse de Conti laissait par son testament l’éducation de ses enfants à Mme de Longueville, leur tante. Mais leur oncle et tuteur, M. le Prince, chargea Bossuet de lui procurer des précepteurs pour ses neveux. Le diable se présenta sous la figure du doux abbé Claude Fleury et du savant abbé Eusèbe Renaudot[2]. Mme de Longueville leur fit mauvais accueil ; mais elle dut obéir au roi, qui avait approuvé le choix de Condé. Il est vrai, le cartésianisme dont tous ces gens-là étaient imbus, était une fort mauvaise école : le roi lui-même l’avait déclaré ; et il fallut peut-être l’arrêt burlesque de Boileau pour empêcher Lamoignon de procéder contre cette philosophie qu’il avait jadis approuvée. Cependant sous la protection de Bossuet et de Condé, les cartésiens, il faut en convenir, n’étaient pas trop maltraités. Mais que va devenir la Bruyère ?

Le 11 novembre 1673, un nommé Métézeau, demeurant rue Richelieu, paroisse Saint-Roch[3], déclara, en présence des conseillers du roi, notaires et gardes-notes de Sa Majesté en son Châtelet de Paris, qu’il ne voulait se faire pourvoir de l’office de trésorier de France et général en la généralité de Caen, devenu vacant par la mort de M. Roussel, et dont M. de Metz, trésorier des parties casuelles, lui avait passé quittance ; par le même acte il constitua M. *** son procureur général et spécial, avec pouvoir et puissance de pour lui et

  1. Lettre du 5 février 1672.
  2. Mémoires d’Olivier d’Ormesson.
  3. Eug. Châtel, Études chronologiques sur la Bruyère, Caen, Hardel, 1861.