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Page:Allaire - La Bruyère dans la maison de Condé, t. 1, 1886.djvu/78

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Parvenu jusqu’au banc de messieurs les présidents, après les salutations ordinaires et accoutumées, la Bruyère fit une harangue en français et supplia la chambre de le recevoir au serment de son office. Avant d’y consentir, MM. les présidents, conformément aux lois et coutumes de France et de Normandie, voulurent s’assurer s’il était capable de bien s’acquitter de sa charge, et lui adressèrent diverses questions sur les finances et sur les fonctions qu’il aurait à remplir. Après MM. les présidents, ce furent les conseillers maîtres qui interrogèrent la Bruyère pour voir s’il était digne de siéger parmi eux. Et ce fait, la Bruyère fut conduit au parquet pendant que l’on délibérait sur sa réception. Enfin la chambre décida et ordonna que la Bruyère serait reçu à prêter serment. Le livre des saints Évangiles était sur le banc du bureau : la Bruyère s’avança et prêta serment les deux mains étendues sur ce livre ouvert. M. Baillaud, doyen des conseillers maîtres, se leva ; il alla faire asseoir M. de la Bruyère sur le dernier banc des conseillers maîtres et ensuite reprit sa séance. Sur ce point de la vie de la Bruyère, M. Eug. Châtel nous fournit des détails d’une authenticité incontestable.

Huit jours après, la Bruyère était à Caen ; là les formalités furent moins longues : MM. les présidents et trésoriers de France et généraux des finances au bureau de Caen ne le firent pas languir comme les présidents et conseillers de la cour des comptes de Rouen. Sur simple requête, sans aucun autre cérémonial, il fut installé à son bureau, et toucha les émoluments à partir du 1er jauvier 1674, ainsi qu’il était ordonné par les lettres patentes du roi. Nous ne savons pas au juste à quelle somme cela pouvait s’élever ; mais en 1685, déduction faite de la rétribution que la Bruyère fut obligé de payer à ceux qui remplirent ses fonctions à sa place, il reçut comme traitement 2,348 livres 10 sols, dont nous avons quittance. Pour cette époque, c’était un joli revenu.

En 1574, il est probable qu’il ne demeura pas longtemps en Normandie. On n’a trouvé, après de sérieuses recherches dans les archives de la préfecture du Calvados, aucune trace d’un long séjour de la Bruyère à Caen. Au contraire, tout porte à croire qu’il eut grande hâte de s’en aller. Il avait prouvé qu’il était au courant de toutes les matières qui concernaient son état : cela lui suffit[1]. Ces bureaux de

  1. Traité historique de l’état des trésoriers de France, etc., par Regnard de Gironcourt.