Le seul mot qu’il finisse par trouver à propos de son art, c’est celui-ci :
— La grande affaire, voyez-vous, c’est d’avoir des pinceaux bien propres.
Le soir montait. Méthodiquement, il rangea ses ustensiles, nettoya sa palette et jeta un regard circulaire chez lui pour s’assurer que tout était bien en ordre.
Nous sortîmes.
Quelques petits verres de curaçao (il adore le curaçao) lui délièrent la langue.
Comme je m’étonnais qu’avec sa grande facilité de travail il n’eût envoyé au Salon que le petit tableau dont j’ai parlé, il me répondit avec une grande tristesse :
— J’ai perdu toute mon année, cette année.
Et alors me raconta la plus étrange histoire que j’entendis jamais.
De temps en temps, je le regardais attentivement, voulant m’assurer qu’il ne se moquait pas de moi, mais sa vieille honnête figure de vieillard navré répondait de sa bonne foi.
Il y a un an, un vieil amateur hollandais, fixé à Paris, lui commanda, en qualité de compatriote, un tableau représentant un dessus de cheminée avec une admirable pendule en ivoire sculpté, une merveille unique au monde.