Page:Allais - À l’œil.djvu/183

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Sur sa face admirable, blanche et noire, tranchait violemment la bouche très forte et très rouge. Cette pourpre jetait là comme une fanfare de belle santé et de volupté robuste.

La première fois que je la vis, je m’arrêtai cloué devant la vitre de la boutique.

Un client entra. Elle se leva pour le servir. Je vis qu’elle était grande et adorablement faite, un peu grêle peut-être. Debout, elle paraissait plus jeune qu’étant assise. Moins de vingt ans.

Le lendemain, étant revenu flâner par là, je me décidai à entrer. Le motif fut un saucisson qu’elle me servit avec une grâce charmante et sérieuse.

Et j’y revins tous les jours.

J’entrais, j’achetais des charcuteries variées que je distribuais ensuite à des petits apprentis du quartier.

Devant elle, sur le marbre du comptoir, s’étalaient les assiettes et les terrines. J’admirais sa merveilleuse habileté à trancher, d’un coup net de son couteau, le poids juste, un quart, un demi-quart.

J’avais remarqué que le comestible le plus éloigné était la hure aux pistaches. Quand on lui en demandait, elle se penchait, et alors on pouvait admirer sa taille souple comme un osier. Son cou, d’une blancheur de crème, s’allongeait,