Page:Allais - À l’œil.djvu/184

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émergeant de son petit col plat qui paraissait blafard auprès de cette belle chair.

C’était toujours de la hure aux pistaches que je désirais. Et souvent, pour voir un peu plus de son cou, j’éloignais d’elle l’assiette à la hure, pendant qu’elle servait un client préalable.

Une fois même, je posais la hure tout au bord du comptoir. Elle fut obligée de se pencher et de tendre le cou très en avant, si bien que j’aperçus un affolant petit signe noir, une mouche dans du lait.

Un jour, je n’osai plus rentrer dans sa boutique (les amoureux sincères ont parfois de ces timidités brusques).

Je me contentai de passer et de repasser.

Et puis je n’osai même plus passer.

Il me semblait que les gens du quartier, les sergents de ville m’avaient remarqué et me montraient au doigt.

Un matin, — je me souviendrai toujours que c’était un dimanche matin, — j’eus une idée géniale.

Les cochers venant de se mettre en grève, les compagnies avaient fait appel aux jeunes gens sans ouvrage et sachant conduire pour remplacer les grévistes.

Je me présentai.

Après un examen des plus sommaires, on me