Page:Allais - À l’œil.djvu/47

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j’attribuai à un cauchemar mon hallucination de la nuit.

Quelle ne fut pas ma terreur, lorsque, poussé par une curiosité que je croyais superflue, je voulus examiner mon secrétaire.

L’encrier, que je tiens toujours soigneusement fermé, était ouvert. Un porte-plume traînait, tout humide encore d’une encre récente. Une feuille de papier-buvard avait été sortie et utilisée, sûrement pas par moi, car je ne me sers jamais que de poudre.

Ce papier-buvard avait évidemment servi à sécher une page fraîche. Les dernières lignes et la signature s’y voyaient assez nettement, quoique pas lisibles à cause du renversement. L’idée du miroir pour redresser l’écriture me vint naturellement.

Tout de suite je vis la signature Ellen, horriblement nette. C’était bien sa façon de signer, mais avec quelque chose de cruel et de précis qui me fit froid. Même en m’appliquant, je ne pus rien lire, car la page, appliquée trop sèche sur le papier-buvard, n’avait laissé que d’informes traces.

Depuis ce moment, je n’ai jamais pu goûter un seul moment de sommeil. Toutes les nuits, flotte chez moi un étrange parfum où domine le winter green.