Page:Allais - Deux et deux font cinq (2+2=5).djvu/104

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Des fois, c’est gênant.

Des fois, c’est rigolo.

Cette fois, ce fut rigolo.

Ce fut rigolo, parce que la chambre voisine de la nôtre était occupée par un loup et un canard.

Ne frottez pas vos yeux, vous avez bien entendu : la chambre voisine de la nôtre était occupée par un loup et un canard.

Un loup et un canard dans une chambre d’hôtel ! Pourquoi pas ? Tout arrive, même à Marseille.

En dépit des pronostics et des quasi-certitudes que n’eussent pas manqué de tirer les esprits clairvoyants, le loup ne dévora point le canard, si ce n’est de caresses.

— Des caresses ! vous récriez-vous. Des caresses entre canard et loup !

— Des caresses, parfaitement !

Le loup aimait le canard, et le canard aimait le loup.

Monstrueux ! dites-vous. Pourquoi cela ?

Avez-vous donc jamais vu, dans les foires, le produit incestueux de la carpe et du lapin ?

Et puis, quelque chose contribuait à rendre moins anti-nature les tendresses entre le carnassier et le volatile : leur dimension réciproque.

Le loup était un loup de petite taille et le canard un canard de forte stature.

Ou du moins, je me plus à les considérer ainsi d’après leur conversation.

Le loup appelait le canard : Mon gros canard,