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DEUX ET DEUX FONT CINQ

homme joufflu, comme vous auriez cru devoir agir, et moi j’ai agi comme j’ai cru devoir agir… Et la preuve que j’eus raison d’agir ainsi, c’est que je m’en trouve admirablement, de cette détermination, aussi bien au point de vue physique qu’au point de vue moral… Tenez, je suis, à l’heure qu’il est, un gros petit bonhomme joufflu, n’est-ce pas ?… Eh bien ! l’année dernière, à la même époque, j’étais un mince petit bonhomme sec.

— Et au moral, donnez aussi une comparaison.

— Mon âme, l’année dernière, ma pauvre âme, n’était pas à prendre avec des pincettes… Aujourd’hui, on en mangerait sur la tête d’un teigneux.

— Alors, vous avez bien fait d’agir ainsi.

— Je suis heureux d’avoir l’approbation d’un homme d’esprit comme vous.

(Devant cette petite déclaration flatteuse, mais si juste, je crus un instant que le petit gros homme joufflu était au courant de ma personnalité. Légère erreur, vite reconnue.)

J’avais fini par m’intéresser aux événements passés sous silence par mon voisin. Tel le lecteur tant passionné par un feuilleton de rencontre qu’il en recherche le début sans tarder.

Mon bonhomme ne se fit pas autrement tirer l’oreille et tomba bientôt dans mon habile panneau (Pleyer).

— Dès mon arrivée à Paris, dit-il, lesté d’un joli petit patrimoine assez rondelet, je fus tout de suite