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UNE VRAIE POIRE

remarquable par le grand nombre de mes amis et de mes maîtresses… Avez-vous jamais vu une pelletée de neige fondre sous le soleil de messidor ?

— Je n’oserais l’affirmer.

— C’est fâcheux, car vous auriez ainsi une idée de la rapidité avec laquelle se volatilisèrent mes ors et mes argents au double feu de l’amour et de l’amitié. Un beau jour, mon notaire, qui est un réputé farceur, m’écrivit que j’avais encore, au sein de sa caisse, une belle pièce de 72 francs et quelque chose ; le tout à ma disposition… Voyez-vous ma tête d’ici ?

— Comme si j’y étais !

— Eh bien ! vous vous trompez du tout au tout, car, en post-scriptum, mon joyeux tabellion m’annonçait que ma vieille horreur de tante Blanche venait de claquer m’instituant son seul héritier, pour embêter les autres. Joie de mes amis ! Délire de mes maîtresses ! Cette joie, ce délire me parurent provenir de mobiles louches. Était-ce bien pour moi que ces gens se réjouissaient ? Serait-ce pas uniquement pour eux ? Un léger examen me confirma dans la probabilité numéro deux. Et c’est alors que je pris la virile attitude dont il a été question plus haut.

— Ah ! nous y voilà !

— Je fis mon compte. J’avais vingt-sept amis et dix-huit maîtresses, tous, en apparence, plus charmants, plus dévoués, plus désintéressés les uns que