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DEUX ET DEUX FONT CINQ

« Monsieur le rédacteur,

» Vous êtes certainement un des hommes les plus remarquables de ce temps. Vos articles sont des lumières.

» C’est ce qui m’incite à vous soumettre une idée qui m’est venue et dont je souhaiterais que vous vous fissiez l’ardent zélateur.

» N’êtes-vous pas frappé comme moi — oui, n’est-ce pas ? — du profond discrédit dans lequel est tombée la croix de commandeur de la Légion d’honneur ?

» Ce discrédit, je voudrais le voir disparaître.

» Comment ? En attachant à cette haute distinction une faveur qui la rendrait plus désirable.

» Je voudrais qu’une loi intervînt aux termes de laquelle tout haut dignitaire de la Légion d’honneur ne pourrait plus jamais être cocu.

» Entendons-nous, les femmes de ces dignitaires pourraient continuer de brancher l’os frontal de leur époux ; mais cela ne compterait pas.

» Qui pourrait faire obstacle à ma proposition ? Assurément pas les femmes de ces derniers. Elles recouvreraient ainsi plus de liberté pour donner cours aux élans de leur cœur et faire un plus grand nombre d’heureux. Quant aux maris, puisque la loi les déclareraient indemnes, ils auraient la double satisfaction de faire plaisir à leurs femmes, et de trouver là, avec un surcroît d’honneur, un surcroît de profits.