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DEUX ET DEUX FONT CINQ

pauvre dix-neuvième siècle tire à sa fin. Il râle, il agonise. Sa littérature doit donc consister en un râle, un rauque râle à peine perceptible.

— Alors, vos vers ?

— Sont de rauques râles à peine perceptibles.

— C’est parfait ! Vous publiez où ?

— Nulle part ! Ma littérature se cabre à être traduite typographiquement par le brutal blanc et noir. Je ne publierai ma poésie qu’au jour où existera une revue composée, au moyen de caractères éculés, sur du papier mauve clair, avec de l’encre héliotrope pâle.

— Diable ! vous risquez d’attendre encore quelque temps !

— Toutes les heures viennent !

Une objection me vint que je ne sus point garder pour moi.

— Mais si la littérature d’un fin de siècle doit être gâteuse, agoniaque et râlante, alors, dans cinq ans, en 1901, vous devrez, dans les revues littéraires et les livres, pousser des vagissements inarticulés ?

Pour toute réponse, le néo-agoniaque déboucha une deuxième bouteille de mon excellente bière de Nuremberg.

Ce fut au tour du peintre :

— Moi, je fais de la peinture furtivo-momentiste.

— De la peinture ?

Furtivo-momentiste… j’évoque sur la toile la furtive impression du moment qui passe.