Page:Allais - Deux et deux font cinq (2+2=5).djvu/29

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— Non, je ne sais pas.

— Eh ben ! mon vieux, maintenant je tutoie tout le monde !

— Tout le monde ?

— Tout le monde !… Tiens, le pape arriverait, là, tout de suite, le pape lui-même, en bicyclette, et me demanderait de lui indiquer le boulevard Malesherbes, je lui dirais : « Prends la rue Royale, monte tout droit, et puis, au bout, à gauche, tu trouveras le boulevard Malesherbes. » Et, s’il n’était pas content, le Saint-Père, ça serait le même prix !

— À la suite de quelle évolution ce parti pris t’est-il venu ?

— Une nuit que je ne pouvais pas dormir… J’avais pris du café chez des gens qu’on avait dîné… Maman s’était pas aperçu… Et moi, avec tout ça, j’pouvais pas m’endormir… Alors, je pensais à des tas de trucs… Tout d’un coup, je me suis dit que c’était idiot d’employer le pluriel quand on n’avait affaire qu’à un seul type… Tu comprends ?

— À merveille.

— Vois-tu, comme c’est bête, quand on n’a qu’un bonhomme ou qu’une bonne femme devant soi, de lui dire : Comment allez-vous ? Comme s’ils étaient trente-quatre mille. Alors, je me suis juré, dans ce cas-là, de lui dire, au bonhomme, ou à la bonne femme  : Comment vas-tu ? Ceux que ça épate, je leur dis : Vous vous croyez donc des tas ?