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Poème morne


Sans être surannée, celle que j’aimerais aura un certain âge.
Elle serait revenue de tout et ne croirait à rien.
Point jolie, mais persuadée qu’elle ensorcelle tous les hommes,
sans en excepter un seul.
On ne l’aurait jamais vue rire.
Sa bouche pâlie arborerait infréquemment le sourire navrant de ses désabus.



Ancienne maîtresse d’un peintre anglais, ivrogne et cruel,
qui aurait bleui son corps,
tout son corps,
à coups de poing,
elle aurait conçu la vive haine de tous les hommes.
Elle me tromperait avec un jeune poète inédit,
dont la chevelure nombreuse, longue
et pas très bien tenue
ferait retourner les passants
et les passantes.




Je le saurais, mais, lâche, je ne voudrais rien savoir.
Rien !
Seulement, je prendrais mes précautions.
Le jeune poète me dédierait ses productions,
ironiquement.



Cette chose-là durerait des mois
et des mois.
Puis, voilà qu’un beau jour Eloa s’adonnerait à la morphine.