Page:Allais - L’Arroseur.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Le moderne Financier


La soif de l’or — auri sacra fames — est devenue tellement impérieuse au jour d’aujourd’hui, que beaucoup de gens n’hésitent pas, pour se procurer des sommes, à employer le meurtre, la félonie, parfois même l’indélicatesse.

L’acquisition rapide d’un gros numéraire demeurera comme la caractéristique de notre fâcheuse époque.

De mon temps, les choses ne se passaient pas ainsi ; les gens travaillaient, touchaient leur modeste salaire, prélevaient sur ce pécule les pièces de monnaie nécessaires à l’achat de leur fricot et de leurs hardes, au paiement de leur bail, aux mois d’école des petits, etc.

Le reste de l’argent venait s’enfourner dans des bas de laine — pourquoi, de laine ? Et quand un brave homme avait son bas de laine plein d’écus, les voisins disaient de lui : « Voilà quelqu’un qui a du foin dans ses bottes ! »

Cet état de choses ne valait-il pas, entre nous, la mare de fange qui nous sert d’époque ? Ah ! si on pouvait remonter le cours du temps !