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L’ARROSEUR

que vous avez fait coffrer hier soir ? Ah ! il en a fait un potin toute la nuit !… Tenez, l’entendez-vous qui gueule ?

Anatole avait pâli.

Diable ! si l’homme d’hier n’était pas un réserviste…

Précisément, un caporal amenait le prisonnier.

— Ah ! c’est vous, mon petit bonhomme, s’écria le captif, qui m’avez fait arrêter hier sans l’ombre d’un motif ! Et bien, vous vous êtes livré à une petite plaisanterie qui vous coûtera cher !

Pète-Sec était livide.

— Vous n’êtes pas réserviste ?

— Ah çà, est-ce que vous me prenez pour un sale biffin comme vous ? Je sors des Chass’ d’Af’ moi !

— Vous me voyez au désespoir, monsieur…

— Vous m’avez arrêté illégalement et séquestré arbitrairement. Je vais de ce pas déposer une plainte chez le procureur de la République.

Pendant cette scène, des hommes s’étaient attroupés devant le poste, et un adjudant venait s’enquérir des causes du scandale.

Pète-Sec versa rapidement dans l’oreille du séquestré quelques paroles qui semblèrent le calmer.

Ils s’éloignèrent tous deux, causant et gesticulant.

Au bout de quelques minutes, dans un petit café voisin, Pète-Sec tirait de sa poche un objet qui ressemblait furieusement à un carnet de chèques, en détachait une feuille sur laquelle il traçait de fiévreux caractères et regagnait la caserne où il ramassait immédiatement huit jours d’arrêts, pour arriver en retard à l’exercice.

Le soir même, un fort lot de réservistes, après un copieux dîner en le meilleur hôtel de Lisieux, passaient une soirée exquise au café Dubois.

On payait du champagne aux petites chanteuses, en exigeant