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L’ARROSEUR

— Tout de suite, je transbordai dans ma nouvelle bourse l’argent que j’avais dans mon préalable porte-monnaie, et pour bien prouver à mon beau donateur le prix que j’attachais à son présent, je jetai à la mer le porte-monnaie vide… Alors, il se passa une étrange chose. Le requin se précipita de toute sa vorace et terriblement armée gueule. Il allait avaler le porte-monnaie, quand, d’un vigoureux coup de nageoire, il recula de deux ou trois brasses. Puis, il revint sur la petite épave, la flaira, en contourna fébrilement les alentours, et… peut-être allez-vous douter ?

— Oh ! que non pas ! déniâmes-nous.

Notre requin avait reconnu la peau de sa mère.

— De grosses larmes s’échappèrent des yeux du monstre. Et puis, nous le vîmes virer lof pour lof et s’enfoncer dans l’horizon, en proie à une indéniable et poignante tristesse. Un vieux matelot du bord nous donna la clef de l’énigme. Dans la substance qui constituait la partie extérieure du porte-monnaie, notre requin avait reconnu la peau de sa mère.