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L’ARROSEUR

— Volontiers ! Qu’est-ce que vous buvez là ?

— Tu vois, du vin blanc.

— Vous avez raison, c’est ce qu’on peut boire de meilleur de ce temps-là, d’autant plus qu’il est délicieux, ici. Un bon verre de vin blanc, ça vaut mieux que toutes ces cochonneries d’apéritifs qui vous démolissent la santé ! Garçon ! une absinthe pure !

— Je t’ai appelé, Brodin, pour te demander une petite consultation…

— Mais, je ne suis pas vétérinaire.

— Ça n’est pas rapport à la question de la santé, c’est pour un mot que je voudrais bien savoir si on le dit ou si on ne le dit pas.

— Quel mot ?

— Voilà l’affaire : est-ce qu’on dit « Vous pouvez romper ou vous pouvez rompre ?… »

Les yeux du fourrier Brodin s’allumèrent d’un petit feu intérieur.

Rompre ? s’écria-t-il. Qu’est-ce ça veut dire ? Je n’ai jamais entendu prononcer ce mot-là ! On doit dire : Vous pouvez romper ! Il n’y a pas d’erreur, parbleu !

— Ah ! je savais bien, moi !

— Une supposition, insista Brodin, que tu sois capitaine des pompiers et que tu veuilles dire à tes hommes de pomper, est-ce que tu leur diras : Vous pouvez pomper, ou vous pouvez pompre ?

— Je dirai : Vous pouvez pomper.

— Eh bien ! c’est exactement la même chose.

— Salaud de ratichon ! Crapule ! Crapule ! En v’là un qui ne va pas y couper dès demain matin.