Page:Allais - L’Arroseur.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
L’ARROSEUR

s’ouvrit pour donner passage à une grosse voix rauque, coutumière des ordres brefs, qui poussa un formidable : Halte !

Les bons chevaux s’arrêtèrent docilement, et Puyrâleux se déguisa immédiatement en tringlot qui n’en mène pas large.

La grosse voix rauque sortait d’un gosier bien connu à Vernon, le gosier du commandant baron Leboult de Montmachin.

Prenant vite son parti, Puyrâleux s’approcha de la fenêtre, son képi à la main.

À la pâle clarté des étoiles, le commandant reconnut le brigadier.

— Ah ! c’est vous, Puyrâleux ?

— Mon Dieu ! oui, mon commandant.

— Qu’est-ce que vous foutez ici ?

— Mon Dieu ! mon commandant, je vais vous dire : me sentant un peu mal à la tête, j’ai pensé qu’un petit tour à la campagne…

Pendant cette conservation un peu pénible des deux côtés, le commandant réparait sa toilette actuellement sans prestige.

La Belle Ardennaise proférait contre Gaston des propos pleins de trivialité discourtoise.

— Vous allez me faire l’amitié, Puyrâleux, conclut le commandant Leboult de Montmachin, de reconduire cette voiture où vous l’avez prise… Nous causerons de cette affaire-là demain matin.

Inutile d’ajouter que ces messieurs ne reparlèrent jamais de cette affaire-là, mais Puyrâleux n’éprouva aucune surprise, au départ de la classe, de ne pas se voir promu maréchal-des-logis.

Et il le regretta bien vivement, car s’étant toujours piqué d’être dans le train, il espérait y fournir une carrière honorable.