Le pauvre Rémouleur rendu à la santé
Il y a longtemps que ce pauvre rémouleur excitait vivement ma pitié, avec sa figure minable et la veulerie évidemment anémique de son attitude.
— Pauvre rémouleur, lui répétais-je souvent, vous devriez vous soigner !
Mais le pauvre rémouleur haussait ses maigres et résignées épaules d’un air qui signifiait :
— Me soigner ? C’est bon pour les gens riches de se soigner ! Un pauvre rémouleur doit mourir à la peine.
Pourtant, je le décidai à voir un morticole, un stupide morticole qui ne trouva rien de mieux que de lui conseiller l’usage fréquent de la bicyclette.
Le pauvre rémouleur en fut quitte pour hausser à nouveau les épaules de tout à l’heure et pour s’éloigner, le cœur enflé du mépris des médecins.
— Faire de la bicyclette ! un pauvre rémouleur ! Idiot, va !
Quand le pauvre rémouleur me conta la chose, moi aussi je haussai les épaules et portai sur ce thérapeute un jugement des plus sévères.