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L’ARROSEUR

d’une série de légers costumes en podh-ball[1], affectant la forme de cache-poussière et teints en nuances différentes. Selon la couleur des milieux dans lesquels il évolue, l’éclaireur revêt un costume d’un ton analogue, gris sur les routes, vert dans la campagne, couleur caca dans les tableaux de Bonnat.

Le cul-de-jatte est installé, non point sur une selle de bois, comme en Europe, mais bien sur une sorte de tout petit véhicule automobile qui lui permet de garder la libre disposition de ses bras et de ses mains.

Rien de plus confortable que cette minuscule voiture fort bien suspendue, ma foi, sur d’excellents ressorts (système A. Boudin), et dont les roues sont garnies de ces fameux pneus gordiens dont Alexandre le Grand n’eut raison qu’à coups de sabre.

La machine adoptée est le moteur à gaz, système Armand Silvestre, si simple, et si pratique à la fois, puisque, en dehors de son rôle tracteur, il permet de remettre immédiatement le pneu en état, au cas où un accident l’aurait dégonflé.

Avec ce moteur, pas de combustible à emporter, pas de piles électriques ! rien que cet accumulateur naturel qu’on nomme le haricot.

Au point de vue du combat, le cul-de-jatte n’est pas un auxiliaire moins précieux.

Dans le feu de salve, placé immédiatement devant la ligne des troupes, il évite aux premiers rangs la peine de se mettre à genoux. (Cette économie de fatigue permit souvent à l’armée japonaise de doubler les étapes et de tomber sur le poil des Chinois au moment où les fils du Ciel s’y attendaient le moins.)

En tirailleur, le cul-de-jatte devient un adversaire redou-

  1. Tissu extrêmement souple, dont plusieurs mètres tiendraient dans le creux de la main.