Page:Allais - Le Boomerang.djvu/58

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per sur le système nerveux du pauvre bougre, car :

— Cet homme, grommelle-t-il, est d’une gaieté indécente. Il me fait cruellement sentir qu’il en a une, lui, de place !… Et combien charmante, sa fonction ! Verseur d’oubli !…

Le garçon, selon la même habitude qui préside à ses sorties, rentre en chantant, mais cette fois sur un air de cantique empreint d’un rare mysticisme :


C’est l’heure sainte
De l’absinthe.


— Vous êtes gai, mon ami ?

— Moi, gai ? Ah ! fichtre, non ! je ne suis pas gai !

— Mais vous chantez tout le temps.

— Ça n’est pas une raison qu’on soit gai, parce qu’on chante.

— Cependant…

— Oui, je sais bien, à première vue, ça paraît drôle. Mais, la vérité, c’est que je chante, parce que je suis chanteur.

— Chanteur ?

— Bien sûr que je suis chanteur ! J’ai