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après une existence suprême, vous avez accepté cette existence philosophique où la pensée préside. Dans des pleurs secrets, saluez du moins ces années de douleur et d’orage qui ont emporté tant de richesses ; espérez qu’en Dieu, qu’au ciel, qu’ailleurs ces douleurs vous seront payées.

Il faut l’avouer, si la passion est fondée sur des motifs réels, si elle s’appuie comme les grands sentimens de l’homme sur de hautes convictions, elle vient du ciel et y retourne ; son cortége de rêveries, de soupirs, de voluptés, ses impressions de l’infini et de l’immortalité, suivent une route obscure dont nous ignorons les secrets. Ce n’est pas la vertu seule et l’affection qui nous donnent le trouble enchanteur, les ravissemens, les langueurs, les vues de Dieu, le désordre puissant et saint qui nous porte aux dernières limites de votre énergie et de nos sensations. Pleurs que la passion fait répandre, vagues pressentimens ; sombres chimères où nous nous perdons comme pour vous faire du mal, susceptibilité cruelle qui nous expose à mille blessures, qui nous fait nous désespérer d’un mot comme d’un ciel couvert, d’un vent glacé, d’une longue pluie, du langage muet par lequel la nature parle tristement aux cœurs passionnés, si nous sommes nés pour vous nous vous cherchons : notre énergie est dans notre désir ; la perfection pour vous, c’est vous. Mais si nous possédons la passion, la lutte est avec elle, la force s’emploie à souffrir, le désir est rempli par des tourmens : mystères étranges et sublimes que l’homme accablé reçoit passagèrement pour révélation, qui nourrissent et épuisent sa jeunesse, qu’il oublie dans sa légèreté et qui ont passé sur sa tête comme ces catastrophes dont la terre est sortie ignorante, portant les marques du feu, du déluge et de la fécondité, sans savoir dire comment elle : les a reçues !

Si la passion échappe à notre volonté, elle n’échappe pas à ceux qui savent la respecter, et une