l’admirer, et m’étonner de trouver là, de mon temps, sur ma route, une personne si bien selon mes goûts héroïques, car que pleurait-elle ainsi, muette et touchante, abîmée dans son chagrin ? Elle avait blâmé le despotisme de l’empereur et elle avait su à sa cour lui déplaire par une opposition courageuse. Elle pleurait des talents magnifiques, des malheurs illustres, une fin lente et déplorable qu’elle eût voulu adoucir ; elle pleurait sa patrie envahie, tant de conquêtes disparues, des armées détruites, des soldats sans égaux dont les corps sanglants avaient jonché glorieusement tous les chemins de l’Europe, et s’il y avait eu sous l’empire des sentiments dignes d’une si haute, si lamentable et si tragique histoire, ils étaient ici, dans ce Vallon qui avait retenti jadis de tant de cris de joie, dans ce Vallon où les batailles de l’empereur avaient été tant célébrées, dans ce Vallon, où on lui rendait mort un plus touchant hommage, celui d’une piété digne de sa fin.
Lord Byron, un Anglais, qui allait saluer cette île de la mort et de la gloire, ne s’élèverait pas plus haut dans ses chants, ne serait pas dans son transport plus poétique et sublime, que ne l’était cette femme avec une jeune fille pour témoin de sa douleur et ne songeant ni à l’exagérer ni à la célébrer.
J’aurais voulu la consoler, mais j’aimais de la voir inconsolable. Elle s’était mise dans ce grand deuil qui, comme son premier deuil, la rendait plus touchante. La pitié s’éveilla par elle en moi ; je compris la pitié sur la terre !
combien Paris, quand j’y retournai, me sembla