Page:Allart - Les Enchantements de Prudence.djvu/56

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et ses jours désormais s’écouleront dans des maisons nouvelles qui n’auront vu que ses ennuis !



III


Mon cœur près de Laure s’était enivré, mais séparée d’elle et dans l’innocence d’une indifférente vie, j’éprouvai dans ma santé une profonde altération ; et bientôt des tourments, déjà décrits par d’autres femmes, vinrent comme pour m’annoncer les chers devoirs de la morale et de la tendresse où Dieu nous appelle. Avant ce temps-ci, et quand je n’avais que dix-huit ans, la duchesse de Raguse m’avait proposé un mariage avec un jeune homme de sa société ; elle aurait tout arrangé. Ce jeune homme ne me plaisait pas. Je refusai aussi un homme de la noblesse, assez célèbre par son talent littéraire, mais âgé de cinquante ans. On ne me demandait pourtant que de tenir un salon d’esprit sans nul soin du ménage. C’était un ami de la duchesse de Raguse et de Laure ; j’avais vécu près d’elles. Je supposais que le temps amènerait un mariage plus aimable ; je me fiais à l’existence, mon caractère restait gai et serein. J’étudiais beaucoup. J’écrivais des lettres sur les ouvrages de madame de Staël qui étaient comme un cours sur la morale, les passions, leur danger, et le sort des femmes.

Je vivais alors chez madame la comtesse Bertrand,