Page:Allart - Les Enchantements de Prudence.djvu/57

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femme du général Bertrand, qui, informée des démarches que j’avais faites pour aller la rejoindre à Sainte-Hélène, m’avait confié l’éducation de sa fille. Laure m’avait présentée à elle, et avait conduit cet arrangement qui me fixait à Paris près d’elle, car la maison du général et la sienne étaient voisines.

Je trouvai, chez madame la comtesse Bertrand, les souvenirs de l’empereur, dont mon enfance avait été si enchantée ; mais c’était, après sa mort, comme une dérision à mes anciens rêves. Ces rêves n’étaient plus. Déjà un jeune homme était venu s’attaquer jusqu’à l’esprit même de l’empereur, et me faire réfléchir sur son règne. Jérôme niait cette grande intelligence qu’on croyait à Napoléon.

Madame Bertrand me raconta bientôt que son mari lui avait dit :

— C’est bien heureux pour cette jeune personne que le sort l’ait préservée de venir à Sainte-Hélène ; son élévation d’esprit eût rendu l’empereur très-amoureux. Eût-elle su résister ? Il nous eût obligés tous à plier devant elle, puisque c’était sa manière d’aimer. Je rapporte soigneusement ces paroles, car elles justifiaient les rêves passés de mon adolescence. Je dinais tous les dimanches chez Laure, où je me plaisais parfaitement, et où je rencontrais le rival, près de moi, de Napoléon. C’était chez Jérôme tout un autre ordre d’idées que celui qui m’agitait, et par cela même il m’était secourable. Sa pensée dédaigneuse, dirigée toujours au-dessus de la vie commune, ne comptait sur la terre que la moralité et la raison souveraine. Si je disais que je