Page:Allart - Les Enchantements de Prudence.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

efface ses regrets. Ouvrant devant moi un horizon sans bornes, elle remplit l’espace intermédiaire d’une félicité que l’âme a de la peine à comprendre, mais qu’elle redoute seulement son insuffisance h sentir. »

Eussé-je osé espérer que Jérôme parlerait jamais ainsi ? Mais je ne m’en étonnais pas trop, je le croyais fait pour tous les mérites. Un jour qu’après ces dernières discussions je lui disais qu’il était stupide, il répondit que le mot était plein de consolation. Laure le jugeait bien, et me disait mille choses pour me retenir et m’effrayer ; elle disait qu’il avait de l’âme, qu’il voudrait s’en assurer, qu’il était exalté, mais qu’il s’inquiéterait et me laisserait. Elle disait qu’il fallait douter de cette grande fermeté sur laquelle je comptais, qu’un complet abandon n’en était pas toujours la preuve. Ces conseils excellents ne me touchaient point ; là, seulement, je croyais que Laure se trompait ; j’aurais douté de la lumière du jour plutôt que de douter de la fermeté de Jérôme.

L’été se passa ainsi, agité, mais heureux. Ses amis ne me donnaient point les conseils qu’il avait craints. Choisy, le plus intime de tous, me disait au contraire qu’une position exceptionnelle demandait des exceptions.

Laure avait loué une maison de campagne à Sceaux. J’allai passer quelques jours près d’elle avant d’aller à Surpré. J’avais perdu ce grand trouble qui m’empêchait de l’aimer, et mon amitié était redevenue la même. Je trouvai un grand charme près d’elle ; je couchais dans un cabinet de toilette près de sa chambre, et nous avions retrouvé nos longues conversations d’autrefois.