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des barricades au bagne

Je lui narrai du projet tout ce que je pouvais lui en dire sans compromettre M… et Mac-Dermott.

— Dans ces conditions, me dit-il, j’accepte.

— Si les choses s’arrangent comme je le désire, des effets civils nous seront préparés et un ami nous conduira dans un endroit aussi sûr que propice à l’embarquement. Jusque-là, soyons prudents.

Et nous rentrâmes dans notre case.

J’étais impatient de connaître la réponse que ferait le flibustier australien à la proposition de son compatriote. Hélas ! j’appris le lendemain qu’elle était négative :

— Jamais, avait dit le pirate rouge, je ne consentirai à embarquer deux « conviets » à la fois.

Le coquin eût pris le peu d’argent que Mac-Dermott et M… lui auraient remis et, dès que le sommeil m’eût livré à sa discrétion, c’est au fond du Pacifique que se fût terminé mon voyage

Quelques temps après, Mac-Dermott l’ayant rencontré, le pirate rouge, avec ce cynisme qui. une fois déjà, avait failli lui coûter cher — un capitaine anglais l’ayant voulu pendre — lui avoua que les condamnés qui s’étaient hasardés sur son bord avaient été précipités à la mer ; aussi, il ne prenait qu’un passager et jamais deux ; puis, voyant que Mac-Dermott s’indignait, ii se mit à rire bruyamment.

Je dus attendre forcément une occasion meilleure.

Travaillant à l’imprimerie du gouvernement, et, de ce fait, ayant toutes facilités pour connaître les nouvelles de France, je considérais comme un devoir de rechercher les moyens qui me permettraient de les faire parvenir à mes camarades détachés dans les camps éloignés, et qui seraient très heureux d’être mis par moi au courant de ce qui se passait dans la métropole.

Cela devait me valoir de terribles avanies et être le point de départ de persécutions administratives que, seules, ma jeunesse et ma résistance physique me permirent de traverser, sinon impunément, du moins sans y succomber. Mais je poursuis mon récit.

Les envois à mes camarades de la grand’terre — à cette époque il n’existait que très peu de détachements réellement éloignés de Nouméa — se faisaient par les condamnés remplissant les fonctions de charretiers. Or,