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des barricades au bagne

chiourme ne manquait de nourrir à l’égard des hommes de la Commune une sourde haine. Instinctivement, la basse vermine épouse les querelles de la haute. C’est dans l’ordre naturel.

La porte de la cellule se referma e ! je pus examiner ma nouvelle demeure. Elle avait, au jugé, trois mètres de long, sur lesquels le lit du camp en prenait deux : sa largeur était de deux mètres environ. Elle se trouvait éclairée du dehors par une fenêtre sans vitres, munie de gros barreaux ; à l’intérieur, elle prenait jour sur un long couloir qui comportait une douzaine de cellules. De ce côté, la fenêtre était placée à 1 m. 80 du sol. Elle était, comme la première, fermée par des barreaux.

Un baquet à déjections, un bidon en bois en composaient tout le mobilier.

La journée se passa sans que nulle nourriture me fût apportée et sans que je visse des surveillants ou des correcteurs.

La nuit vint ; j’essayai de dormir, d’oublier, ne fût-ce que durant quelques heures, ma terrible situation ; mais ce fut en vain. Le souvenir des menaces de Charrière et de Nutzbaum, uni à la position incommode, douloureuse, qui m’était imposée, chassaient le sommeil, et je dus passer cette interminable nuit à me faire mille reproches et à me demander si je pourrais supporter avec vaillance, soit la torture des poucettes, soit celle du martinet.

Au matin, j’étais aussi rompu qu’affamé, car il y avait une trentaine d’heures que je n’avais pris aucune nourriture.

Vers neuf heures, une voix cria :

— Eh, n° 1 ! — c’était celui de ma cellule. — Eh, le communard ! qu’est-ce que t’as « bouffé » pour qu’on t’amarre ?

Je ne dis mot.

— Eh ben, quoi ? tu veux pas « jaspiner » ; l’alhocbe (le correcteur Mayer) disait au gaffe que c’était le Bossu qui t’avait envoyé au « ch’tard » (prison).

Je continuai à garder le mutisme, et fus bien inspiré.

— Quel est le salaud qui fait péter son « fouet » (qui