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mémoires d’un communard

La défaite de la Commune m’a prouvé que ces temps heureux étaient encore bien éloignés : aux hommes de cœur incombe la tâche de les préparer.

Me voilà sorti de la prison du Pénitencier et envoyé dans une des cases. J’échappe, cette fois encore, à la quatrième classe et, cela étant, si Ledoux est homme de parole, je pourrais peut-être redevenir libre !

J’apprends, par des camarades, que c’est grâce aux bons offices du bourreau — qui me l’a caché — que j’ai pu recevoir quelques vivres en supplément, ainsi que le billet amical dont j’ai parlé au cours de ce récit, les indications me confirment que la promesse de Ledoux n’est pas vaine, et j’en éprouve une satisfaction véritable.

Je n’ai donc plus qu’à attendre, en évitant de fournir à la Surveillance tout motif à punition ou à déplacement.

De nouveaux communards étaient arrivés pendant ma mise en cellule ; parmi ces derniers, mon pauvre ami Brissac, que le commandant de la Loire, Jacques, dit Lapierre, réactionnaire et féroce, avait accusé de vouloir fomenter un complot à bord pour avoir l’occasion de le mettre aux fers, et, une fois débarqué, de le faire « classer » au peloton de correction. Cette nouvelle me navrait, car je connaissais la douceur de Brissac et combien peu ses aptitudes physiques lui permettaient de résister à de si douloureuses épreuves.

Par le même transport, mais dans des conditions bien différentes, était aussi venu l’ex-officier de marine Lullier, qui, disait-on, avait commandé un petit navire de guerre se trouvant en ce moment dans la rade ( ?) la Calédonienne.

Nourri et presque traité comme un passager ordinaire, quoique mis à part, Lullier refusa, à l’arrivée, d’être mêlé aux forçats. S’étant armé d’une hache, il refusait de quitter le bord, menaçant de mort le premier surveillant militaire qui s’approcherait.

L’équipage (officiers et matelots) s’amusait fort de la déconvenue de l’autorité pénitentiaire, lorsque celle-ci trouva, parmi les condamnés-rameurs qui montaient les chaloupes pénitentiaires, un ex-matelot qui avait à se venger de Lullier.