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mémoires d’un communard

d’aller voir ce qui se passe à Châtillon. Auparavant j’envoie prévenir les commandants du 160e et du 118e bataillons qu’ils aient à rassembler leurs compagnies de marche et à attendre mes ordres. Ceci fait, avec une douzaine d’amis, je me dirige vers Châtillon, hanté par la crainte d’un désastre.

Etait-ce pour entraîner certains de leurs collègues qui voyaient la sortie d’un mauvais œil, ou bien parce qu’ils considéraient l’enthousiasme de la garde nationale comme un peu refroidi, que les membres de la Commune, du Comité central et les chefs militaires présentaient ce mouvement offensif sur Versailles comme une simple promenade ?

En tout cas, c’était là une imprudence bien coupable et dont les conséquences pouvaient être déplorables.

On a négligé de prendre les plus élémentaires précautions ; on a permis aux femmes d’accompagner leurs maris ; les hommes de la sédentaire, armés de fusils à tabatière, sont mêlés à ceux des compagnies de marche, armés de chassepots ; les canons, déjà peu nombreux, ont été arbitrairement choisis et sans qu’on se fût assuré et de leur bon fonctionnement et des munitions nécessaires.

On allait à Versailles, qu’on savait pertinemment disposée à combattre vigoureusement — l’attaque de la veille l’avait surabondamment démontré — comme on va à une manifestation quelconque.

Et les forts, et les redoutes étaient-ils armés, approvisionnés de munitions et de vivres ? Songerait-on seulement à éclairer la route, à se garder des embuscades ?

A l’Hôtel de Ville on a simplement posé cette question à Lullier, sorti de prison et dont les journées se passent en beuveries et en agissements louches :

— Vous êtes-vous occupé du Mont-Valérien ?

— Inutile, citoyens, de vous tourmenter à ce sujet ; cette forteresse est placée sous le commandement d’un de mes amis, c’est dire qu’elle est à nous.

Et une déclaration aussi vague, faite par un tel. homme, est trouvée suffisante !

Bergeret, Eudes, d’autres membres de la Commune se désintéressent d’une chose aussi importante : la possession