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mémoires d’un communard

et accusèrent Marié de s’être entendu avec les officiers de l’armée versaillaise.

Pendant qu’ils m’exprimaient leur mécontentement et que je leur reprochais la légèreté avec laquelle ils avaient accueilli Marié, sans même s’informer du motif de son départ du 59e bataillon, je jetai machinalement un regard sur la place du Panthéon et, à ma grande surprise, je vis l’énorme tambour-major se dirigeant à grands pas vers la rue Saint-Étienne-du-Mont.

— Eh ! citoyens, voici votre homme qui traverse la place ! dis-je aux gardes nationaux.

Tous s’élancent vers la fenêtre, aperçoivent Marié et se précipitent au dehors. Quelques minutes après, ayant atteint le tambour-major, ils l’entraînent jusque dans mon bureau.

Payant d’audace, Marié s’était réclamé de ma personne, affirmant que je répondrais de son républicanisme et de sa loyauté. Puis, devant moi :


— Citoyen Allemane, vous me connaissez depuis longtemps ; vous savez que j’ai toujours fait mon devoir et que c’est avec le plus grand dévouement que je sers la Commune. C’est par miracle que j’ai pu échapper aux Versaillais, et je viens reprendre mon poste de combat…

— Vous êtes un misérable traître ! lui crient les hommes de son nouveau bataillon.

— Je suis un bon citoyen, répond Marié, un peu décontenancé.

— Fouillez-le ! dis-je à ceux qui l’entourent.

Marié les prévient en jetant sur mon bureau les papiers qu’il porte sur lui, ainsi qu’un portefeuille dont l’examen attentif ne tarde pas à éveiller mes soupçons.

Après l’avoir tourné en tous sens, je m’aperçois qu’il possède une poche secrète. Je fixe alors Marié et le vois pâlir ; il dessine même un mouvement en avant, comme s’il voulait se saisir du portefeuille, mais qu’il réprime aussitôt.

J’ai deviné sa pensée et acquis la conviction que ce portefeuille renferme des papiers compromettants. Je parviens enfin à ouvrir la poche suspecte qui contient, entr’autres papiers, une lettre du maire de sa commune d’origine, lettre qui lui servit d’introduction auprès du