Page:Alletz - De la démocratie nouvelle, ou des mœurs et de la puissance des classes moyennes en France - tome I.djvu/15

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décernée à Lafayette, et que les provinces s’associent pour refuser l’impôt illégal.

Nous nous sommes donné le spectacle, en raccourci, de toutes les fautes commises, par la restauration, non pour aller troubler, de gaîté de cœur, la sainte paix des morts, mais afin de bien établir cette vérité : que la seule conspiration efficace pour renverser ce gouvernement a été celle qu’il a diligemment ourdie contre lui-même. Tout, dans son système, est caractérisé par le désir d’abaisser les classes moyennes. Il nourrissait d’invincibles préjugés contre elles. Animé d’ombrageuses défiances, il croyait augmenter son pouvoir de tous les droits qu’il leur enlevait. Il s’admirait dans sa force, lorsqu’il les avait réduites au silence et les croyait hors d’état de remuer : alors il rendait grâce au ciel, persuadé qu’en continuant de ce train, il parviendrait à les supprimer tout à fait. C’est donc lui qui a placé les classes moyennes dans cette terrible alternative : de prendre la chose au sérieux, et de se regarder comme mortes, ou de venger les lois violées.

Elles ont eu, sous le gouvernement nouveau qu’elles ont fondé, de prodigieuses difficultés à vaincre : après avoir dirigé une révolution, elles ont dû l’arrêter.

Faisant de leur système un juste-milieu semblable à la position qu’elles occupèrent longtemps dans l’État, elles se sont défendues, avec la raison, contre les passions extrêmes ; elles ont soulevé des résistances d’autant plus énergiques qu’elles réalisaient un gouvernement jusque-là jugé impossible, et qu’en abattant d’une main les privilèges aristocratiques, elles rendaient à la démocratie l’espoir d’hériter directement de la noblesse ; et qu’en posant de l’autre une barrière contre le pouvoir populaire, elles laissaient subsister dans l’aristocratie dé-