Page:Alletz - De la démocratie nouvelle, ou des mœurs et de la puissance des classes moyennes en France - tome I.djvu/16

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truite la présomption de ressaisir tôt ou tard l’autorité. Chacune de leurs victoires sur l’un de ces deux partis ranimait les prétentions et les attaques de l’autre.

Mais qu’on mesure l’intervalle des sept années qui viennent de s’écouler, et on appréciera les progrès du gouvernement des classes moyennes. D’abord il a duré sept années ; et la meilleure preuve du mouvement est la marche. Il a fait voir la possibilité d’une monarchie sans noblesse, d’une démocratie sans suffrage universel, d’une polycratie nouvelle, mobile comme la démocratie, d’une démocratie réglée, qui appelle les plus sages et les plus habiles au maniement des affaires ; qui substitue le règne de la majorité à celui de tous, la pluralité des suffrages à l’universalité du vote ; place la souveraineté dans la raison, l’égalité dans la protection de la loi, plutôt que dans le droit de la faire, et au lieu de sanctionner l’infaillibilité des décisions populaires, élève la qualité plus haut que la quantité, et l’intelligence au dessus du nombre.

Toutefois, dans le nombre des esprits appliqués, en ce pays, à l’étude de la politique, il en est plus d’un qui, frappé des progrès continuels qu’y fait l’égalité, n’ont pas dissimulé qu’ils croyaient au triomphe plus ou moins prochain de la démocratie.

Je ne saurais admettre, pour ma part, que la domination populaire soit cette forme achevée de gouvernement vers laquelle la marche de la civilisation doit conduire les sociétés humaines.

Il est, comme je viens de le faire pressentir, deux démocraties : la vieille et la nouvelle. La vieille démocratie est la puissance du nombre ; les pauvres et les ignorants étant les plus nombreux en toute société, il faut entendre, par cette démocratie, l’autorité de l’imprudence et de la misère.