Page:Alletz - De la démocratie nouvelle, ou des mœurs et de la puissance des classes moyennes en France - tome I.djvu/18

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n’ont rien, ne savent rien, portent envie à tout, et proscrivent le mérite et la fortune qui leur font ombrage ?

Le gouvernement des classes moyennes n’a pu être connu de l’antiquité puisque ces classes mêmes n’existaient pas. Filles de la science et du travail, elles sont nées d’hier et introduiront dans le monde une forme nouvelle de gouvernement ; c’est ce que j’appelle la démocratie nouvelle, ou, mieux encore, la polycratie[1].

Je ne saurais mieux définir cette forme de gouvernement qu’en disant que c’est la démocratie limitée, jusqu’à ce point, où elle devient compatible avec la royauté.

Il est évident que les classes moyennes seront toujours mues par le même instinct qui a poussé l’aristocratie à faire alliance avec la monarchie, de peur d’être dépossédée par le peuple.

Cependant le trait caractéristique de notre époque sera la généreuse et constante disposition de ces classes prépondérantes à se recruter dans les rangs inférieurs de la société. Au lieu que l’ancienne aristocratie était immobile et jalouse, cet ordre qui l’aura remplacée sera muable et toujours prêt à se communiquer.

Cette forme de gouvernement est l’application la plus sincère et la plus sérieuse du système représentatif. Elle ne retient de la monarchie que l’action prompte, la justice uniforme, la dignité du pouvoir ; elle détruit la noblesse héréditaire, met obstacle à l’op-

  1. Autocratie ou tyrannie : gouvernement d’un seul.

    Oligarchie ou aristocratie : gouvernement d’une minorité.

    Démocratie ou république : gouvernement de la totalité.

    Et Polycratie ou autorité des classes moyennes : gouvernement de la pluralité.