Page:Alletz - De la démocratie nouvelle, ou des mœurs et de la puissance des classes moyennes en France - tome I.djvu/21

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dites-vous, dans les passions et les travers qui ont précipité l’ancienne ; avec ce malheur de plus, que leurs désordres seront sans délicatesse, et leur vanité sans élégance.

Voyons les choses selon leur suite naturelle.

Les aristocraties peuvent naître dans l’enfance des sociétés, lorsqu’une multitude abrutie ne connaît même pas sa misère, et bonne seulement pour guerroyer sous des maîtres suit l’ombre de leur épée comme le troupeau obéit à la houlette du berger. Mais on n’a pas encore vu dans le monde se former, au sein d’un tiers-état qui ait déjà renversé les grands, une nouvelle noblesse, c’est à dire une association de familles dans lesquelles le pouvoir, les dignités et les honneurs se perpétuent, à l’exclusion du reste de la nation, par droit de naissance.

On me dira que le gouvernement moyen étant tout neuf dans le monde, l’épreuve n’a pas été faite ; mais je répondrai à mon tour que je puise, dans les causes qui font germer ce gouvernement, l’impossibilité d’une seconde pousse aristocratique.

Plus les hommes ont joui longtemps d’un droit politique, plus ils sont jaloux de le conserver et capables de le défendre. Or comme l’aristocratie dont on parle ne pourrait se composer des classes moyennes tout entières, ni en supposant même qu’elle en embrassât les 300 000 individus, y maintenir le principe d’admissibilité à tous les emplois et honneurs de l’État, la portion de ces classes, au préjudice de laquelle le principe du gouvernement moyen aurait été violé, ferait bientôt alliance avec le peuple contre leurs égaux d’hier qui affecteraient la domination.

Ainsi une aristocratie moyenne serait incapable de durer. Puis, c’est rêver que de croire qu’elle puisse jamais