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de la démocratie nouvelle.

théâtre témoignent du sens moral qui est aujourd’hui dans la nation. Lorsqu’on a tellement peur de sembler méchant, on n’a pas tout à fait cessé d’être bon.

Il y a toujours un rapport étroit entre les institutions sociales et les règles de la littérature. Ce n’est pas la faute de nos écrivains actuels si le terrible combat livré en 89 par la liberté contre le privilège a eu pour résultat de faire de la lutte même le fond et la forme de notre gouvernement. La proportion, la majesté, le calme ne peuvent plus appartenir aux lettres françaises. L’ame de l’homme est une copie du monde qui l’entoure, et les événements prodigieux qui ont mis dans la poussière tant d’empires doivent se peindre aux sentiments et aux idées de la génération qui en a été témoin.

Le suffrage de la multitude forme aujourd’hui la couronne du génie. Or, quoi de plus incohérent, de plus tumultueux, de moins constant et réglé que le peuple ? Sa sagesse est un vague instinct qui ne se fait jour qu’à travers mille passions. Les auteurs ne s’adressant plus à une classe choisie, arbitre élégant et délicat des inventions le plus fines et des ressorts les plus ingénieux de l’art d’écrire, ont cherché d’autres juges à qui il a fallu présenter, non plus la grâce dans ses chastes mouvements, ni le repos suave de la beauté, mais