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livre vii, chap ii.

un être idéal, qui n’a pas d’existence qui lui soit propre ; elle n’est que l’ensemble des ambitions et des activités particulières : celles-ci, une fois satisfaites, produisent le repos général.

Une pareille objection décélerait l’ignorance de ce qu’il y a d’infini dans le cœur de l’homme. Nous exerçons une profession ; nous atteignons un certain emploi ; nous possédons notre portion de puissance, au milieu de l’économie de la société ; mais il nous reste des soupirs à pousser pour ce qui nous manque ; quelque haut que soit notre sort, il est bientôt surmonté par nos vœux ; il y a, dans notre ame, un trop-plein qui déborde au dessus de toute destinée : cet excédant de feu et de vie produit l’inquiétude perpétuelle de l’homme. Si la religion reçoit ce superflu de sentiments et de rêves, l’âme calmée se repose, une fois mise en possession des champs infinis de l’espérance. Mais quand nous cherchons, ailleurs que dans la foi, ce grand espace, et c’est le sort de la plupart d’entre nous, un malaise indéfinissable nous poursuit ; nous nous attachons à tout ce qui porte le mieux dans le monde, une apparence de grandeur et d’immensité ; nous trouvons dans le sentiment national quelque chose de beau, de puissant, de profond et d’élevé, nous prenons fait et cause pour les objets qui intéressent le pays