Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/11

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galères de quinze et vingt canons, et firent avec succès, contre les Turcs, l’apprentissage de l’artillerie navale.

Divisée par de terribles factions, la république aurait péri des mains de ses propres citoyens si, d’une part, de fréquentes guerres n’eussent interrompu les inimitiés, et que de l’autre le commerce n’eût alimenté la passion des richesses, dans laquelle vinrent se perdre ou s’amortir toutes les autres. À mesure que s’étendait le négoce et que s’accroissaient les fortunes particulières, les discordes devenaient moins dangereuses ; on avait moins de temps pour se haïr et cabaler. On avait assez à faire de se procurer des ports sur les fleuves, de conquérir ou d’acheter des privilèges sur les côtes voisines, de se procurer des sûretés pour la navigation, de toujours surveiller ses rivaux et souvent de les combattre, enfin de se ménager entre les deux grands empires d’Orient et d’Occident.

Les Vénitiens comprirent de bonne heure qu’un État est d’autant plus propre à faire la guerre, que l’autorité s’y trouve moins divisée. Les îles de Venise naissante étaient gouvernées par des magistrats qui relevaient de l’assemblée générale de la nation. Vers la fin du septième siècle, la liberté particulière fut sacrifiée à la sûreté et à la puissance de la communauté. On concentra le pouvoir aux mains d’un doge à qui on donna presque tous les attributs d’un roi. Élu par le peuple, chargé seul du gouvernement, il nommait les magistrats, constituait les juges, décidait de la paix et de la guerre, et convoquait, dans les graves occasions, l’assemblée populaire. Les premiers doges se montrèrent dignes, pour la plupart, du sacrifice qu’on avait fait de la liberté à leur grandeur. Ils gouvernèrent avec sagesse, et poussèrent en avant les destinées de leur pays. Une démocratie qui abdique le pouvoir, le fait presque toujours au