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Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/10

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nobles, avait eu cette double fin de sembler respecter l’égalité, tout en poussant les riches aux honneurs, et de se servir de ces honneurs pour soulager le trésor de la cité. À l’exemple de certaines républiques de l’antiquité qui punissaient leurs généraux de se laisser trahir en guerre par la fortune, les Vénitiens avaient fait les plus sévères lois contre tout capitaine sous le commandement duquel périssait un bâtiment de l’état. Il y avait tel gros navire de guerre dont le capitaine devait s’engager, par serment, à tenir tête contre vingt-cinq galères ennemies. Ainsi, en ne faisant qu’obéir, on était forcé à l’héroïsme ; et de loin, avant vous, les lois étaient fières et intrépides.

Les travaux de ce peuple pour vider ses bassins et ses ports, du sable qu’y roulent incessamment tant de fleuves impétueux, ne cèdent en rien aux plus beaux ouvrages des Romains. Venise tout entière est comme un grand navire perpétuellement menacé d’avaries par la grosse mer. Enfermés dans leur port, ses citoyens étaient obligés de lutter contre les vents et la tempête. Tantôt il leur fallait détourner les rivières de leur lit, tantôt revêtir de pierres et de briques les passes des lagunes, afin de les sauver des éboulements, tantôt combler de leurs propres mains tels passages, pour réserver à tels autres un tirant d’eau plus commode. Ces soins rendaient leur industrie inventive, et ne laissaient pas leur courage mollir dans la paix.

Venise épiait avec trop d’inquiétude toutes les inventions nouvelles qui intéressaient le commerce, la marine et la guerre, pour ne pas devancer la plupart des autres peuples de l’Europe dans l’usage de la poudre à canon. À peine cette découverte fut-elle connue en Europe, que leurs vaisseaux accommodés pour ce terrible armement, portèrent la foudre dans leurs flancs. Les Vénitiens eurent promptement des