Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

En 1159, la chrétienté, un moment incertaine où reconnaître le légitime successeur de saint Pierre, se divisa entre Victor IV et Alexandre III. La république de Venise fut assez bien inspirée pour démêler le droit et distinguer celle des deux élections qui portait le sceau des volontés non interrompues de la Providence sur son Église. Ils se décidèrent pour Alexandre III, le plus humble, le plus faible, le plus dénué aux yeux du monde, mais par cela même déjà revêtu des signes de la vérité. Il faut dire à leur louange qu’une fois portés vers une cause, ils ne se relâchaient plus en rien, dans leur zèle, qu’elle n’eût triomphé avec eux. Tel est le propre de cette constance qu’on ne manque jamais de trouver au caractère des grands peuples, et qui n’est pas moins le meilleur fonds de leur génie que la principale cause de leur fortune. L’empereur Frédéric s’était déclaré contre Alexandre III ; ils n’hésitèrent pas à lui faire la guerre, et quand ce pape malheureux, méconnu, abandonné de tous, ne sut où reposer sa tête, la république se montra fière de lui donner asile, et lui fit bénir l’épée dont son doge s’armait pour le défendre. Avouons que cette fidélité sut se ménager une récompense. Ils avaient réduit l’empereur repentant et humilié à venir chez eux baiser les pieds du pape, comme ceux mêmes de Pierre, et, pour marquer sa gratitude, le vicaire de Dieu sur la terre institua cette fameuse cérémonie dans laquelle leur souverain jetait, tous les ans, un anneau nuptial dans l’Adriatique, pour rappeler que cette mer devait être soumise au doge, comme l’épouse l’est à l’époux.

Entre toutes leurs guerres, la plus profitable fut la quatrième croisade, qui aboutit à la prise et au pillage de Constantinople et au partage de l’empire grec. Avec cette confiance naturelle à des hommes persuadés que