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Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/30

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Dieu combat pour eux, les croisés, avant de posséder cet empire, se l’étaient partagé. Pour exécuter le traité, il fallait commencer par vaincre. Engagés à la conquête par un devoir mutuel, chacun, en payant de son courage, ne faisait que s’acquitter envers les autres. Les Vénitiens ne restèrent pas en arrière dans le combat ni au partage du butin. Ce fut eux qui donnèrent le plan d’attaque, investirent les abords de la ville, et jetèrent des ponts dans les tours qui en faisaient la défense. Un des leurs monta le second à l’assaut, sur les traces d’un Français qui planta sur les remparts l’étendard de la croix. On estime à 400,000 marcs la valeur de leur part au pillage général de la ville : de plus, ils obtinrent sur la masse du butin mis en réserve, 150,000 marcs. Aux termes du traité qui avait réglé le partage avant la conquête, ils reçurent les trois huitièmes de l’empire d’Orient. Dans cette large portion fut compris le quart de Constantinople. Aussi, devenu souverain de plusieurs millions de nouveaux sujets, leur Doge se crut-il fondé à revêtir quelques-unes des marques de la dignité impériale, et à s’intituler seigneur du quart et demi de l’empire romain.

Guidés par l’esprit de commerce qui fait toujours regarder le même objet, et qui tient lieu d’une sûre et constante politique, ils ne se firent donner que des villes maritimes, et principalement situées le long de la Méditerranée, depuis leur golfe jusqu’au Bosphore. L’île de Candie n’ayant pas été comprise dans leur lot, ils la rachetèrent du marquis de Montferrat, pour 10,000 marcs d’argent. Mais ce n’était rien que posséder ces ports nombreux, il fallait les occuper et en jouir. Plusieurs d’entre ces provinces n’étaient pas même soumises : le gouvernement vénitien les accorda en fiefs à ceux de ses citoyens qui réussiraient à s’en emparer et à