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Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/34

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vinces fussent envahies. Guicciardini blâme vivement la république de cette résolution qu’il regarde comme l’oubli de son courage et de sa gloire : mais n’est-il pas permis de s’écarter de l’opinion de ce grand historien ? En déliant de leur serment de fidélité ses sujets déterre ferme, la république s’épargnait l’humiliation de voir ceux-ci le rompre d’eux-mêmes ; en cessant de régner sur eux, elle prévenait la honte d’être vaincue de nouveau dans leurs personnes : enfin cette mesure lui permettait de rappeler les garnisons qu’elle tenait en terre-ferme. Guicciardini ne fait-il pas lui-même le meilleur éloge de la politique du sénat vénitien ?

« Le sénat saisit encore avec empressement une autre raison : ce fut de se persuader que, si jamais la fortune redevenait favorable à la république, elle rentrerait facilement dans un domaine qu’elle aurait abandonné, supposant que, dans ce cas, ces provinces, n’ayant rien à craindre de son ressentiment, reviendraient à elle plus volontiers[1]. »

L’événement justifia cette prévoyance ; car les États de terre ferme, occupés par les Allemands qui les pillaient et les vexaient de toute manière, ne tardèrent pas à regretter leurs anciens maîtres. Instruits de ces dispositions, les Vénitiens reprirent possession, par un coup de main, de Trévise et de Padoue ; leur politique fit le reste : ils annoncèrent que celles de leurs provinces qui rentreraient sous leurs lois seraient indemnisées de tous les effets de la guerre. L’empereur voulut en vain leur arracher Padoue, qui soutint avec un merveilleux courage l’un des plus mémorables sièges. La ligue ne tarda pas à se dissoudre, et les Vénitiens furent assez habiles pour en faire une à leur tour avec le

  1. Histoire d’Italie, liv. VIII, chap. II.