bloqua le port même de Venise, qui ne fut sauvée que par le génie et le courage de Charles Zeno. Ce grand homme ne se borna pas à sauver sa patrie : il eut la gloire de la faire prévaloir contre Gènes. Un dernier combat eut lieu au commencement du quinzième siècle, devant l’île de Sapienza, sur les côtes de Morée. La paix suivit la victoire qu’y remporta Venise ; et Gènes, déchirée par des troubles intestins, dut céder à sa rivale l’empire de la mer.
L’événement qui sert le mieux à apprécier le degré de puissance qu’avait atteint la république, au commencement du dix-septième siècle, est la résistance victorieuse qu’elle opposa à la ligue dite de Cambrai, formée contre elle par le pape, l’empereur, le roi de France et les rois d’Aragon et de Naples : c’était une conjuration de têtes couronnées. Le pape avait secrètement proposé aux Vénitiens de se détacher de la ligue, s’ils voulaient lui restituer les places de Faenza et de Rimini, conquises sur les États de l’Église. Ils eurent l’audace de rejeter cette proposition, fidèles à cette maxime digne du sénat romain : que Venise ne devait jamais se dessaisir, pour prévenir une guerre, de ce que la guerre lui avait donné. Rien ne montra mieux leur constance et leur foi dans la fortune de leur république, que leur conduite après qu’ils eurent perdu la bataille d’Agnadel. L’armée du pape campait à Ravennes : les Allemands étaient maîtres du Frioul, et Louis XII établi à Fusine d’où il pouvait canonner leur capitale. Ils furent, dans cette conjoncture, ce qu’ils avaient été deux siècles auparavant, en face de cette autre ligue, non moins redoutable, qui amena la flotte génoise dans les lagunes : ils félicitèrent leur général vaincu de n’avoir pas désespéré de Venise, mirent leurs richesses à la disposition du trésor public, et eurent l’extrême sagesse de renoncer à leurs États de terre ferme, avant que ces pro-