Page:Alletz - Discours sur la république de Venise.djvu/36

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cants ; et, ne faisant plus aucun progrès, leur industrie céda peu à peu. Plus tard, se jetant vers l’autre extrémité, ils établirent la franchise du port de Venise ; puis, sans attendre que ce changement eût porté ses effets, ils revinrent à leur vieux système.

En même temps, plus les affaires de la république empiraient, plus son gouvernement redoublait de précautions pour maintenir au dedans ses lois inviolables. Leur usage de gouverner par mystère s’appliqua aux entreprises du commerce. On résolut de repousser toute innovation dans l’industrie comme dans les lois. La source des richesses de l’État se tarissant peu à peu, les nobles prirent les douanes à ferme, et introduisirent un despotisme cupide dans cette partie de la législation. La décadence de leur commerce amena celle de leur marine ; ils se relâchèrent dans le travail nécessaire pour rendre leurs lagunes accessibles aux vaisseaux, et leurs ports s’engorgèrent de sable. Voici d’ailleurs une cause naturelle de la décadence de leur marine : pour amener leurs navires de leur arsenal jusqu’à la mer, les Vénitiens avaient toujours été obligés de leur donner une forme particulière ; et lorsque la découverte de l’Amérique occasionna une révolution dans l’architecture navale, les galères de la république furent peu de chose auprès de ces grands bâtiments qui voguaient sur l’Océan, sans qu’il fût au pouvoir des Vénitiens de surmonter un obstacle que la nature rendait invincible.

Le gouvernement de Venise avait été admirable pour remédier aux excès de la puissance nationale, et garantir l’État contre les ambitions particulières ; mais, quand la république pencha vers son déclin et que ses richesses diminuèrent, ses institutions, n’ayant plus à tempérer la force,